15 octobre 2013

Accorder notre Etre

Victime des autres, bourreau de soi-même - Europe
Essais

Editeur: Robert Laffont
Parution: 2003

Nous nous croyons victime des autres alors que nous sommes victime de nos conditionnements et appelés à devenir créateur de nous-mêmes. L'ouvrage s'élabore à partir du mythe d'Isis et d'Osiris.

Guy Corneau, psychanalyste québécois, a été formé à l’Institut C.G. Jung de Zurich. Avec l’équipe de Cœur.com (www.productionscœur.com), il anime des ateliers de développement personnel destinés à stimuler l’expression créatrice. Il est également l'auteur de Père manquant, fils manqué (Les Editions de l’homme, 1992), N’y a-t-il pas d’amour heureux ? et La Guérison du cœur (J’ai lu, 1999 et 2002).

Article du site Psychologies
 
Les souffrances longues à s’apaiser, une mauvaise image de soi, des échecs à répétition… Autant d’obstacles dressés sur le chemin de notre épanouissement et qui peuvent nous enfermer dans le rôle d’éternelle victime. Or, pour Guy Corneau, échecs et blessures peuvent devenir des outils de croissance, le moyen de prendre conscience des maltraitances que nous nous infligeons et de mettre fin à la reproduction de nos scénarios de souffrance. Pour le psychanalyste, être acteur de sa vie consiste avant tout à renouer avec son individualité.

Psychologies : Votre livre s’ouvre sur le constat pessimiste que “presque immanquablement vient un moment où, dans une vie, ça ne va plus du tout”. Sommes-nous tous voués à connaître ce trou noir ?

Guy Corneau : Il me semble que nous rencontrons tous, à un moment ou à un autre, un sentiment de défaite intérieure. Il peut se greffer sur un événement extérieur, mais il peut aussi surgir quand tout semble aller pour le mieux. Et c’est pire, parce que l’on ne comprend pas pourquoi, subitement, on se trouve dans cet état-là. C’est comme si tout ce qui faisait notre vie avait perdu de son sens. On a le sentiment de s’être engouffré dans une impasse, de s’être construit sur du vent. L’émotion qui domine n’est pas forcément de l’ordre de la tristesse. Cela peut être de la colère, de la rage. Quoi qu’il en soit, on se retrouve dans une position de victime. Bien entendu, on peut avoir été victime d’un accident, d’une crise économique ou, bien avant cela, de parents maltraitants. Mais accuser les autres n’a rien de constructif. Une fois que l’on a dit : « C’est la faute de maman, de mon conjoint, de mon patron… », que peut-on faire ? Je crois qu’il est plus intéressant de considérer l’échec comme l’occasion d’une prise de conscience : ce qu’il peut nous révéler, c’est qu’avant d’être victime des autres, nous sommes victimes de nous-même, de notre propre fonctionnement.
Vous décrivez la position de victime comme une stratégie de survie. Contre quel danger ?

Contre le personnage que l’on se crée inconsciemment, en réaction aux heurts de l’existence, pour se protéger de la perte d’amour. Dans mon livre, je cite l’exemple d’une jeune femme, Hélène. Petite fille ronde, elle est sujette aux moqueries de ses frères, mais continue de s’arrondir pour se « coussiner » contre les humiliations. Lorsqu’elle quitte sa famille pour vivre sa vie, son parcours est celui des personnes qui souffrent de dépendance affective. Elle s’accroche aux moindres marques d’attention, met ses désirs de côté pour se dévouer aux hommes qu’elle aime et s’apercevoir qu’ils deviennent dominateurs et méprisants. Au bout du compte, Hélène n’a cessé de recréer les expériences d’humiliation de son enfance. La stratégie de la victime est donc une stratégie de soumission qui repose sur une estime de soi défaillante, sur l’intime conviction de ne pas mériter mieux. La victime, c’est l’éternel enfant qui attend tout de ses parents, l’adulte qui attend tout de son conjoint ou de son patron, le patient qui attend tout de son thérapeute. L’autre est investi comme sauveur. C’est à lui d’apporter l’amour ou la reconnaissance qui nous manque. A la longue, c’est un jeu où l’on se perd. Et pourtant, il n’est pas aisé d’y renoncer, parce qu’il apporte des gratifications : tant que je m’en remets à l’autre, je n’ai pas à me blâmer pour mes propres souffrances, je n’ai pas à me prendre en main.